jeudi 10 mars 2016

                           De la démocratie en Haut-Béarn 
                                Chap I  De l’économie.
        Dans les textes  officiels  et la presse,  l’expression  «Haut Béarn »  couvrait  les  vallées d’Aspe, d’Ossau, de  Barétous, de  Josbaig,  les  coteaux de Lasseube et de Lucq de Béarn.
    Les habitants  étaient attachés à cette qualification  qui était fort valorisante.
Les palois et les habitants du nord du département, étaient moins enthousiastes car, ayant  subi pendant des décennies  l’opprobre d’être « bas-pyrénéens », ils craignaient d’être qualifiés désormais de   « bas- béarnais ». 
    Il y avait peu de territoires au sein de la République aussi bénis des Dieux : un climat  changeant mais tempéré, des paysages qui allaient du grandiose au charmant, une économie  combinant harmonieusement  une industrie ouverte sur  l’étranger et des activités agricoles  et pastorales.
 Deux grands chantiers d’infrastructure avaient marqué et marquait encore  l’aménagement de ce  territoire. 
      Les élus locaux  se battirent durant des années pour l’ouverture du  tunnel  routier du Somport  qui devait,  par la  magie du désenclavement,  apporter emplois, richesses, progrès et même réouverture des écoles en Vallée d’Aspe.  
        Pour les habitants d’Oloron et des villages situés sur  la RN 134, le bruit et la pollution atmosphérique  étaient jusqu’à maintenant le résultat le plus concret.
     Le duc d’Aquitaine propriétaire d’une bergerie en lescunois était fort attaché à la réouverture de la ligne  ferroviaire  Pau -Canfranc.                     Des travaux de remise en état  furent donc entrepris entre Oloron et Bedous.  On aurait pu quasiment les  qualifier de pharaoniques,  mais  cette qualification était quelque peu inadéquate,  Khéops  Kephren et Mykerinos  étant   plus intéressés par la construction de  pyramides que par celle  de  chemins de fer.
     Le Duc  décida de  cette réouverture espérant qu’elle serait la première étape d’une  ligne  Pau-Saragosse  reliant le nord de l’Europe à l’Espagne.
     Si les choses  ne se déroulaient pas selon ces espérances, cette réouverture risquait d’être un beau gâchis d’argent public.                                            Cette décision était donc  un pari sur l’avenir.   
 L’industrie locale vivait de la vente de roues d’aéronefs et de chocolat dont le fumet embaumait Oloron par temps de pluie.
     Le chocolat était considéré  par l’opinion générale  comme réduisant les tensions psychologiques insupportables. Il fallait donc s’attendre à ce que la demande mondiale fut en constante augmentation.
      L’emploi semblait donc d’une solidité certaine. Cependant  le risque existait que les actionnaires fort lointains décidassent de produire du chocolat dans des nations où le  coût   des salariés étaient moins élevé.
   Il en était de même  de toutes les activités locales.
     Les «  savoir-faires »  locaux   était probablement la seule voie pour maintenir les emplois : ceux  des  ouvriers, techniciens, cadres  de l’industrie,  des vignerons du Jurançon, des bergers de montagne, des éleveurs, des agriculteurs  et de tous les acteurs économiques  et sociaux étaient les garants de la réussite collective locale.
   La nature avait offerte à cette contrée des montagnes vertigineuses où  purent se développer les  pratiques des sports d’hiver.  La saison de ski oscillait en permanence entre le trop et le pas-assez de neige.
          Le « panem » étant ainsi à peu près fourni les  « circenses »  embellissaient  les jours et les soirées des habitants.
    On concourait pour la meilleure garbure, le chien de berger le plus futé, les polyphonies les plus complexes. On soutenait  les équipes sportives, on chantait et on dansait dès que l’occasion se présentait.  
      Certes les inscrits  au pôle emploi, les bénéficiaires des restaus du cœur étaient  fort nombreux en ce territoire mais moindre en proportion que dans d’autres lieux  de la République. 
            Si quelque géographe avait voulu figurer en rose sur un planisphère les régions du monde où régnait un certain bonheur de vivre, nul doute que le Béarn y fut représenté, non en  rose vif  certes,  mais en  rose tout de même.

    
                              Colloques  religieux en Haut  Béarn 

       Il y a quelques années  furent organisé en Haut Béarn des rencontres entre les diverses religions. Nous avons retrouvé les carnets de l’Abbé François R  qui racontent ces journées.

Lundi   2 juillet 
 Quelle joie de rencontrer nos amis juifs et musulmans pour pouvoir vivre dans l’échange et la fraternité notre foi !  Nous adorerons  notre créateur miséricordieux. Nous évoquerons  les saintes et  glorieuses figures de Moïse et d’Abraham.
Mardi 3  juillet
  David est arrivé. Il était fort fatigué et  je lui ai montré sa chambre.  Dès le matin, il est passé aux cuisines pour préciser les règles de la nourriture Casher. Marie qui est chrétienne et de bonne volonté a trouvé la chose fort compliquée mais s’est engagée  à suivre ces exigences
Mercredi matin  4 juillet 
 Mohammed est arrivé lui aussi  ce matin. Il est venu avec ses quatre  femmes et ses  dix -sept enfants ce que nous n’avions pas prévu dans les hébergements.   
     Mohammed est passé aux cuisines pour préciser les règles de la nourriture hallal. Marie qui est chrétienne et de bonne volonté a trouvé la chose fort compliquée  d’autant plus que cela s’ajoutait  aux règles de la nourriture Casher. Heureusement,  m’a-t-elle dit,  que  « vous Monsieur  le curé,  vous êtes moins  exigeant ! »
        Comme il nous est difficile de prier ensemble David et Mohammed prient dans leurs chambres et moi dans la chapelle.


     Nous avons décidé de fixer notre semaine de travail mais il est exclu que nous travaillions le vendredi, le samedi et  le dimanche.
            Nous avons commencé à lire la Genèse. Quelle beauté dans ces  profondes vérités  qui nous sommes communes !
          Mais Mohammed  a refusé de reconnaître la supériorité d’Isaac sur Ismaël ! Il nous a dit que les textes avaient été déformés pour cacher  la vérité !
 « Adam, Abraham, Noé  étaient déjà des musulmans, avant la venue du « sceau des prophètes » ; celui qui termine  la lignée des « soumis à Dieu », le  prophète Muhammad ! »
 Et le voilà qui se met à attaquer nos  Evangiles.
« St Paul n’est qu’un affabulateur loin de la vérité de Jésus,  fils de la  Vierge Marie,  prophète, qui n’est ni mort ni ressuscité mais monté au ciel pour réapparaitre au jugement dernier !  Le « Paraclet »  annoncé par St Jean n’est pas le Saint Esprit mais le prophète Mahomet !
  Pourquoi étudier la Bible ou les Evangiles ?   La vérité  divine est dans le Coran : si les textes disent la même chose que le Coran,  nous n’avons aucune  raison de  les lire ? Et s’ils  sont  en contradiction, on a encore moins de raisons ! »  
Mon  Dieu,  Mon Dieu  faites en sorte que les vérités  de notre Sainte Religion finissent par l’illuminer ! 
Mercredi 45 juillet Après-midi  
      Nous avons souhaité échanger sur les fondements de notre foi.
       Nous nous sommes réjouis de la vérité de la  résurrection des corps mais, pour tout dire, le paradis islamique m’a paru beaucoup trop trivial avec ses rivières, son vin, ses femmes toujours vierges.
         David  a tenu sur Notre Seigneur des propos marqués par l’incompréhension.
   « Jésus était juif, pleinement juif. Il n’est pas ressuscité ; Si la terre avait tremblé, si le voile du Temple s’était déchiré, si les morts étaient sortis des tombeaux  comme le dit St Mathieu,  le peuple juif aurait cru en lui.
 « Si Jésus était ressuscité, pourquoi n’est-il pas apparu au   Sanhédrin pour faire apparaître la vérité ? » 
    Comment David peut-il refuser   de voir  dans la Bible  l’annonce  de  la venue de notre Seigneur Jésus-Christ ?
     Comment Mohammed peut-il adhérer à cette fable selon laquelle l’Ange Gabriel a  transmis sa volonté divine en lui dictant  le  Coran !
      Comment les  vérités  de la  Sainte Trinité, de l’Incarnation, de la Communion, de la Résurrection  leur restent  étrangères,
       Comme l’endoctrinement qu’ils ont  reçu   depuis leur enfance obscurcit leur jugement !
      En vérité,  l’atmosphère devient de plus en plus lourde et la tentation de Caïn  est de plus en plus proche de moi.
                                        Le reste du carnet a été déchiré.   


        L’homme ne vit pas que de pain (même s’il est bio)

                                                Dialogues sur l’économie.

Prologue
   Trois amis conversent sur les rives du Vert entre Ance et Féas.

 Philon : Chers Déméa et Cléanthe,  vous appartenez à cette noble catégorie des économistes que l’on consulte pour comprendre notre présent et anticiper notre futur.  Vous êtes nos augures.
Déméa : En effet, nous autres économistes de l’OCDE, de la Banque Mondiale, de l’Union Européenne, réfléchissons et faisons des propositions pour satisfaire le mieux possible les besoins des populations du monde.  Sans la Science économique, l’humanité ne saurait combiner efficacement  la main- d’oeuvre  et l’argent  pour produire des richesses profitables à tous. Sans économistes,  le monde serait un chaos. 
Cléanthe : Cher Déméa, votre science est une fausse science. Vous imposez à   la société de  tels traitements de choc que le malade meurt guéri.  Baisser les salaires, les allocations, c’est tuer la consommation. A qui les entreprises vendront-elles leurs produits ?  Vous vous félicitez en permanence des efforts  demandés aux gouvernements pour réduire le niveau de vie! L’équilibre budgétaire vous donne plus de soucis que la montée des suicides et de la mortalité infantile!  
Déméa : cher collègue, vous  raisonnez comme il y a cinquante ans en économie fermée.  Chaque pays  doit être compétitif et pour cela il doit mener des politiques de rigueur.
Cléanthe: la rigueur pour qui ?  Pas pour les actionnaires qui n’ont jamais touché autant de dividendes dans le monde. La preuve est la bonne santé des bourses dans le monde entier alors que les revenus salariaux n’augmentent que faiblement. Jamais les inégalités n’ont été aussi grandes.  Et les actionnaires exercent  un chantage permanent sur les entreprises. 
Déméa : les dividendes sont la contrepartie des risques courus .Quant aux inégalités, elles sont la récompense de l’innovation. Elles récompensent le mérite et l’initiative.
Cléanthe : Mme Bettencourt est la femme la plus riche de France. Quels sont ses mérites, ses innovations, ses initiatives ?
 Imaginez cher ami que les actionnaires  de Safran meurent tous un dimanche. Comment fonctionnera l’entreprise  lundi ? Comme tous les lundis ! Imaginez que le même drame frappe tous les salariés. L’entreprise ne fonctionnera pas.  
       Expliquez- moi pourquoi les entreprises sont dirigées par les représentants des actionnaires qui sont les  moins utiles dans le fonctionnement d’une entreprise par rapport aux dirigeants et aux salariés ?
Déméa :  Bill Gates, Steve Jobs, Marc Zukerberg ont créé  des entreprise utiles à tous. S’ils avaient payé des impôts élevés jamais ils n’auraient pu investir et nous en serions encore au minitel !
 Philon :
 Chers amis, votre débat me semble ressembler à celui qui opposa naguère les catholiques et les protestants : vous croyez  tous les deux en quelque chose  que vous appelez  « économie » et vous ne  divergez  que sur quelques points.
      Vos chiffres ne sont que la forme que vous donnez à vos dogmes.
    Vous vous réjouissez de la création d’emplois sans en voir l’utilité. Plutôt que l’eau au robinet, vous préférez l’eau en bouteilles parce qu’il faut de la main-d’œuvre pour  fabriquer ces bouteilles, les transporter, les vendre, les recycler.
  Ce que vous présentez comme la rationalité du monde n’est  que le voile jeté sur des pratiques économiques qui ont plus à voir avec la piraterie qu’avec la recherche du bien commun.  
   Vos mathématiques visent à impressionner les gogos mais font rire les mathématiciens !
  Vos prévisions ont  un  degré de fiabilité égal à celui de l’astrologie.
    Vous êtes les théologiens de l’inquisition qui justifient les  tortures  infligés  à l’hérétique au nom du bonheur qu’il aura plus tard  au paradis.
   Le progrès ultime de la science économique est sa disparition. En quoi celle-ci affecterait-elle le bonheur de l’univers ? En rien !
Cléanthe: Imbécile! Naïf!
Déméa :  Obscurantiste ! Utopiste !

        Ils assomment Philon à coup de manuels d’économétrie(1)

(1) Econométrie : application des techniques mathématiques et statistique à l’analyse des phénomènes économiques.