Eloge de la
folie économique.
O Erasme,
Toi qui fis
l’éloge de la folie,
Permets- moi
de faire l’éloge
D’une folie que tu n’as pas connue,
Celle qui
est aujourd’hui la nôtre,
Dominante,
mais sournoise,
Celle qui se
fait admirer,
Celle qu’on
interroge,
Celle qui
nous commande.
O divine
folie économique,
C’est le
moment de faire ton éloge.
C’est toi
qui nous fait croire que
Le « plus
d’avoir » permettra le « plus d’être »,
Qui ne veut
que du mesurable.
C’est toi
qui est prêchée
Par des
experts dont l’expertise n’est jamais expertisée,
Par des
savants,
Qui
expliquent mathématiquement
Le monde de
la piraterie,
Qui
justifient la souffrance du producteur
Par le
bonheur du consommateur,
Qui
demandent aux politiques
De rendre le
consommateur de plus en plus consommateur,
Le
producteur de plus en plus producteur,
Qui
appellent « concurrence et libre échange »,
L’élimination
des entreprises respectueuses
Du social et
de l’environnement
Par des
entreprises esclavagistes et polluantes,
Qui nous
promettent que la loi de la jungle
Permettra, « au
bout d’un certain temps »,
Que « tout le monde » sera gagnant,
Qui nous
expliquent que, permettre aux riches
De gagner
encore plus,
Permettra aux
pauvres
De ne plus
être pauvres,
Qui, larbins
sincères et dévoués,
Appointés
par des « gestionnaires »
Ne trouvent
rien à dire du niveau des appointements
Des dits
« gestionnaires ».
Merci, O
savants fous,
Qui, à force
d’imaginer un être
Uniquement
mu par son désir de bien-être
Avaient fini
par croire à sa réalité,
Et à l’imposer
un monde
Où les
individus,
N’ayant ni
mémoire, ni langue, ni histoire,
Ni famille, ni
peuple,
Doivent se déplacer comme des pions
Sur un
échiquier mondial à la recherche
De la case
gagnante.
Merci, O
savants fous,
Vous qui avez
réussi à créer dans une partie de la planète,
Des êtres
conformes à votre paranoïa,
Des êtres
obnubilés
Par la
dernière nouveauté à consommer.
Merci
pseudo-savants
Qui nous
font croire,
Que la
mesure de l’efficacité
De la combinaison
du travail et de la nature
Pour
produire des richesses
Est le
niveau du dividende versé à l’actionnaire,
Merci, nouveaux
augures,
Qui veulent nous
faire croire
Que les
profits d’aujourd’hui
Sont les
investissements de demain
Et les emplois d’après- demain,
Alors qu’ils
sont les rentes,
La
spéculation, les fermetures d’entreprises,
De demain.
Merci de
nous expliquer
Que les
dividendes sont les trésors de demain,
Les salaires
et les allocations
Des gouffres
sans fond.
Merci,
astrologues modernes,
Qui
camouflez vos préjugés politiques
Sous les
oripeaux
D’une
science bidon,
De nous
prêcher
Qu’il n’y
pas d’alternative,
Qu’une
économie au service de la guerre
A été, est possible,
Mais qu’une
économie de guerre
Contre la
pauvreté est impossible,
Qui nous
interdisent
De faire ce
que nous pourrions faire.
Merci,
divine paranoïa économique,
De nous
faire croire
A une
économie au service du futile
Et non du
vital,
Merci, de
nous persuader
« Que les plus mauvais des hommes
Feront les pires des choses
Pour le plus
grand bien de tous » [1],
Merci, divin
autisme économique,
Qui permet
aux journalistes
D’écrire des
articles
Vantant la
nécessité d’une nouvelle économie
Au service
de l’humain,
Noyés dans
un flot de pages de publicités
Des
nouveautés à acheter,
Pour ne pas
mourir idiots.
O
merveilleuse folie économique !
O douce
schizophrénie économique !
O grandiose
paranoïa économique !
O magnifique
sado-masochisme économique !
O glorieux autisme économique !
Merci,
divine folie !
Et surtout,
Par pitié,
Continue à
nous inspirer !
In saecula
saeculorum
Amen
[1] Keynes