lundi 1 mars 2021

Eloge de la folie économique.

 

O Erasme,

Toi qui fis l’éloge de la folie,

Permets- moi de faire l’éloge

 D’une folie que tu n’as pas connue,

Celle qui est aujourd’hui la nôtre,

Dominante, mais sournoise,

Celle qui se fait admirer,

Celle qu’on interroge,

Celle qui nous commande.

 

O divine folie économique,

C’est le moment de faire ton éloge.

 

C’est toi qui nous fait croire que

Le « plus d’avoir » permettra le « plus d’être »,

Qui ne veut que du mesurable.

C’est toi qui est prêchée

Par des experts dont l’expertise n’est jamais expertisée,

Par des savants,

Qui expliquent mathématiquement

Le monde de la piraterie,

Qui justifient la souffrance du producteur

Par le bonheur du consommateur,

Qui demandent aux politiques

De rendre le consommateur de plus en plus consommateur,

Le producteur de plus en plus producteur,

Qui appellent « concurrence et libre échange »,

L’élimination des entreprises respectueuses

Du social et de l’environnement

Par des entreprises esclavagistes et polluantes, 

Qui nous promettent que la loi de la jungle

Permettra, « au bout d’un certain temps »,

 Que « tout le monde » sera gagnant,

Qui nous expliquent que, permettre aux riches

De gagner encore plus,

Permettra aux pauvres

De ne plus être pauvres,

Qui, larbins sincères et dévoués,

Appointés par des « gestionnaires »

Ne trouvent rien à dire du niveau des appointements

Des dits « gestionnaires ».

 

Merci, O savants fous,

Qui, à force d’imaginer un être

Uniquement mu par son désir de bien-être

Avaient fini par croire à sa réalité,

Et à l’imposer un monde

Où les individus,

N’ayant ni mémoire, ni langue, ni histoire,

Ni famille, ni peuple,

 Doivent se déplacer comme des pions

Sur un échiquier mondial à la recherche

De la case gagnante.   

 

Merci, O savants fous,

Vous qui avez réussi à créer dans une partie de la planète, 

Des êtres conformes à votre paranoïa,

Des êtres obnubilés

Par la dernière nouveauté à consommer.  

 

Merci pseudo-savants

Qui nous font croire,

Que la mesure de l’efficacité

De la combinaison du travail et de la nature

Pour produire des richesses

Est le niveau du dividende versé à l’actionnaire,

 

Merci, nouveaux augures,

Qui veulent nous faire croire

Que les profits d’aujourd’hui

Sont les investissements de demain

 Et les emplois d’après- demain,

Alors qu’ils sont les rentes,

La spéculation, les fermetures d’entreprises,

De demain.  

Merci de nous expliquer  

Que les dividendes sont les trésors de demain,

Les salaires et les allocations

Des gouffres sans fond.

 

Merci, astrologues modernes,

Qui camouflez vos préjugés politiques

Sous les oripeaux

D’une science bidon,

De nous prêcher

Qu’il n’y pas d’alternative,

Qu’une économie au service de la guerre

 A été, est possible,

Mais qu’une économie de guerre

Contre la pauvreté est impossible,

Qui nous interdisent 

De faire ce que nous pourrions faire.

 

Merci, divine paranoïa économique,

De nous faire croire

A une économie au service du futile

Et non du vital,

Merci, de nous persuader

 « Que les plus mauvais des hommes

 Feront les pires des choses

Pour le plus grand bien de tous » [1],

 

Merci, divin autisme économique, 

Qui permet aux journalistes

D’écrire des articles

Vantant la nécessité d’une nouvelle économie

Au service de l’humain,

Noyés dans un flot de pages de publicités

Des nouveautés à acheter,

Pour ne pas mourir idiots.

 

O merveilleuse folie économique !

O douce schizophrénie économique !

O grandiose paranoïa économique !

O magnifique sado-masochisme économique !

 O glorieux autisme économique !

 

Merci, divine folie !

Et surtout,

Par pitié,

Continue à nous inspirer !

In saecula saeculorum

Amen

 



[1] Keynes