De la
démocratie en Haut-Béarn
Chap
I De l’économie.
Dans les textes officiels et la presse, l’expression «Haut Béarn » couvrait les vallées d’Aspe, d’Ossau, de Barétous, de Josbaig,
les coteaux de Lasseube et de Lucq
de Béarn.
Les habitants étaient attachés à cette qualification qui était fort valorisante.
Les palois
et les habitants du nord du département, étaient moins enthousiastes car,
ayant subi pendant des décennies l’opprobre d’être
« bas-pyrénéens », ils craignaient d’être qualifiés désormais de « bas-
béarnais ».
Il y avait peu de territoires au sein de la
République aussi bénis des Dieux : un climat changeant mais tempéré, des paysages qui
allaient du grandiose au charmant, une économie combinant harmonieusement une industrie ouverte sur l’étranger et des activités agricoles et pastorales.
Deux grands chantiers d’infrastructure avaient
marqué et marquait encore l’aménagement
de ce territoire.
Les
élus locaux se battirent durant des
années pour l’ouverture du tunnel routier du Somport qui devait,
par la magie du désenclavement, apporter emplois, richesses, progrès et même
réouverture des écoles en Vallée d’Aspe.
Pour
les habitants d’Oloron et des villages situés sur la RN 134, le bruit et la pollution
atmosphérique étaient jusqu’à maintenant
le résultat le plus concret.
Le duc d’Aquitaine propriétaire d’une
bergerie en lescunois était fort attaché à la réouverture de la ligne ferroviaire Pau -Canfranc. Des travaux de remise en
état furent donc entrepris entre Oloron
et Bedous. On aurait pu quasiment les qualifier de pharaoniques, mais cette qualification était quelque peu
inadéquate, Khéops Kephren et Mykerinos étant plus intéressés par la construction de pyramides que par celle de chemins de fer.
Le Duc
décida de cette réouverture espérant qu’elle serait la
première étape d’une ligne Pau-Saragosse reliant le nord de l’Europe à l’Espagne.
Si les
choses ne se déroulaient pas selon ces
espérances, cette réouverture risquait d’être un beau gâchis d’argent public. Cette décision était donc un pari sur l’avenir.
L’industrie locale vivait de la vente de roues
d’aéronefs et de chocolat dont le fumet embaumait Oloron par temps de pluie.
Le chocolat était considéré par l’opinion générale comme réduisant les tensions psychologiques
insupportables. Il fallait donc s’attendre à ce que la demande mondiale fut en
constante augmentation.
L’emploi semblait donc d’une solidité
certaine. Cependant le risque existait
que les actionnaires fort lointains décidassent de produire du chocolat dans
des nations où le coût des
salariés étaient moins élevé.
Il en
était de même de toutes les activités
locales.
Les « savoir-faires » locaux était probablement la seule voie pour
maintenir les emplois : ceux des
ouvriers, techniciens, cadres de
l’industrie, des vignerons du Jurançon,
des bergers de montagne, des éleveurs, des agriculteurs et de tous les acteurs économiques et sociaux étaient les garants de la réussite
collective locale.
La
nature avait offerte à cette contrée des montagnes vertigineuses où purent se développer les pratiques des sports d’hiver. La saison de ski oscillait en permanence
entre le trop et le pas-assez de neige.
Le « panem » étant ainsi à peu
près fourni les « circenses »
embellissaient les jours et les
soirées des habitants.
On
concourait pour la meilleure garbure, le chien de berger le plus futé, les
polyphonies les plus complexes. On soutenait
les équipes sportives, on chantait et on dansait dès que l’occasion se
présentait.
Certes
les inscrits au pôle emploi, les
bénéficiaires des restaus du cœur étaient fort nombreux en ce territoire mais moindre en
proportion que dans d’autres lieux de la
République.
Si quelque géographe avait voulu figurer
en rose sur un planisphère les régions du monde où régnait un certain bonheur
de vivre, nul doute que le Béarn y fut représenté, non en rose vif
certes, mais en rose tout de même.