L’homme ne vit pas que de pain
(même s’il est bio)
Dialogues sur l’économie.
Prologue
Trois amis conversent sur les rives du Vert
entre Ance et Féas.
Philon : Chers Déméa et Cléanthe, vous appartenez à cette noble catégorie des
économistes que l’on consulte pour comprendre notre présent et anticiper notre
futur. Vous êtes nos augures.
Déméa :
En effet, nous autres économistes de l’OCDE, de la Banque Mondiale, de l’Union
Européenne, réfléchissons et faisons des propositions pour satisfaire le mieux
possible les besoins des populations du monde.
Sans la Science économique, l’humanité ne saurait combiner
efficacement la main- d’oeuvre et l’argent
pour produire des richesses profitables à tous. Sans économistes, le monde serait un chaos.
Cléanthe :
Cher Déméa, votre science est une fausse science. Vous imposez à la société de tels traitements de choc que le malade meurt
guéri. Baisser les salaires, les
allocations, c’est tuer la consommation. A qui les entreprises vendront-elles
leurs produits ? Vous vous
félicitez en permanence des efforts
demandés aux gouvernements pour réduire le niveau de vie! L’équilibre
budgétaire vous donne plus de soucis que la montée des suicides et de la
mortalité infantile!
Déméa :
cher collègue, vous raisonnez comme il y
a cinquante ans en économie fermée. Chaque pays doit être compétitif et pour cela il doit
mener des politiques de rigueur.
Cléanthe: la
rigueur pour qui ? Pas pour les
actionnaires qui n’ont jamais touché autant de dividendes dans le monde. La
preuve est la bonne santé des bourses dans le monde entier alors que les
revenus salariaux n’augmentent que faiblement. Jamais les inégalités n’ont été
aussi grandes. Et les actionnaires
exercent un chantage permanent sur les
entreprises.
Déméa :
les dividendes sont la contrepartie des risques courus .Quant aux inégalités,
elles sont la récompense de l’innovation. Elles récompensent le mérite et
l’initiative.
Cléanthe :
Mme Bettencourt est la femme la plus riche de France. Quels sont ses mérites,
ses innovations, ses initiatives ?
Imaginez cher ami que les actionnaires de Safran meurent tous un dimanche. Comment
fonctionnera l’entreprise lundi ? Comme
tous les lundis ! Imaginez que le même drame frappe tous les salariés.
L’entreprise ne fonctionnera pas.
Expliquez- moi pourquoi les entreprises
sont dirigées par les représentants des actionnaires qui sont les moins utiles dans le fonctionnement d’une
entreprise par rapport aux dirigeants et aux salariés ?
Déméa : Bill Gates, Steve Jobs, Marc Zukerberg ont
créé des entreprise utiles à tous. S’ils
avaient payé des impôts élevés jamais ils n’auraient pu investir et nous en
serions encore au minitel !
Philon :
Chers amis, votre débat me semble ressembler à
celui qui opposa naguère les catholiques et les protestants : vous
croyez tous les deux en quelque chose que vous appelez « économie » et vous ne divergez que sur quelques points.
Vos
chiffres ne sont que la forme que vous donnez à vos dogmes.
Vous
vous réjouissez de la création d’emplois sans en voir l’utilité. Plutôt que
l’eau au robinet, vous préférez l’eau en bouteilles parce qu’il faut de la
main-d’œuvre pour fabriquer ces
bouteilles, les transporter, les vendre, les recycler.
Ce que vous présentez comme la rationalité du
monde n’est que le voile jeté sur des
pratiques économiques qui ont plus à voir avec la piraterie qu’avec la
recherche du bien commun.
Vos
mathématiques visent à impressionner les gogos mais font rire les
mathématiciens !
Vos prévisions ont un
degré de fiabilité égal à celui de l’astrologie.
Vous êtes les théologiens de l’inquisition
qui justifient les tortures infligés à l’hérétique au nom du bonheur qu’il aura
plus tard au paradis.
Le progrès ultime de la science économique
est sa disparition. En quoi celle-ci affecterait-elle le bonheur de
l’univers ? En rien !
Cléanthe: Imbécile!
Naïf!
Déméa : Obscurantiste ! Utopiste !
Ils assomment Philon à coup de manuels
d’économétrie(1)
(1) Econométrie : application des
techniques mathématiques et statistique à l’analyse des phénomènes économiques.
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