lundi 18 janvier 2010

Dieu


Sais-tu comment je conçois Dieu , dit-il : comme un monstrueux organe, créateur inconnu de nous , qui sème par l’espace des milliards de mondes , ainsi qu’un poisson unique pondrait des œufs dans la mer. Il crée parce que c’est sa fonction de Dieu.. Mais il est ignorant de ce qu’il fait, stupidement prolifique, inconscient des combinaisons de toutes sortes produites par ses germes éparpillés. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître avec la terre, et à recommencer peut être ici ou ailleurs, pareil ou différent, avec les nouvelles combinaisons des éternels recommencements. Nous lui devons , à ce petit accident de l’intelligence , d’être mal en ce monde , qui n’est pas fait pour nous , qui n’avait pas été préparé pour recevoir , loger, nourrir et contenter des êtres pensants, et nous lui devons aussi d’avoir à lutter sans cesse, quand nous sommes vraiment des raffinés et des civilisés contre ce que l’on appelle les desseins de la providence .

Maupassant " L’inutile beauté"

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